COMPAGNIE BODY DOUBLE

ETRANGE TABLEAU
NOTE D’INTENTION
« Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute la largeur une entrée ouverte à la lumière ; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête ; la lumière leur vient d’un feu allumé, au loin derrière eux ; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. »
(Platon, La République, Livre VII)

Le début d’un des passages les plus connus de Platon, celui du mythe de la caverne, fait apparaître un espace mystérieux, inquiétant pour quiconque tente de se représenter cette sorte de prison des illusions. Marie Perruchet s’approprie l’étrangeté de cette image et en fait la matière de sa création chorégraphique. Il s’agit alors d’un défi lancé aux corps dansants comme au public. La danse a pour la mission d’arpenter et d’incarner un texte qui, s’intéressant à des corps empêchés, aspire à dévoiler les arcanes du monde. Tel est le programme d’Étrange tableau.Pris en étau entre le sensible et l’idéal, l’image et la matière, l’intellect et l’expérience, les danseurs sur scène proposent au public de réfléchir au lien entre l’art et la condition humaine. Lecture chorégraphique d’un texte philosophique, Étrange tableau se présente aussi comme une expérience de la matière du vivant, du mouvement et de l’esprit, qui permet aux reclus du monde sensible de dévoiler leur identité d’artistes premiers. Les spectateurs et les spectatrices, ces autres corps restreints assis dans leur propre caverne, sont mis à contribution par la lecture qu’ils font de l’œuvre. Comprendre et vivre l’émotion esthétique sont les voies du public pour participer au chemin proposé par Platon et que Marie Perruchet réinvente.Si les habitants de la caverne des prisonniers, contraints de ne vivre que dans ce monde d’ombres, le geste dansé transforme ces illusions en œuvres d’art qui nous élèvent. Dans la caverne même, dans l’espace limité du mouvement que les danseurs ne peuvent quitter sans risque, l’esprit s’évade, se découvre et invente un chemin nouveau. Quand Socrate ouvre la voie à l’intelligible, la chorégraphie descend d’abord dans la matière, elle travaille la horde primitive des ombres dansantes représentées par les cinq danseurs sur scène, et trouve dans le mouvement et sa contemplation, dans l’archaïque condition de la danse et de l’art, une nouvelle forme de vie tournée vers le Beau.
DRAMATURGIE
Le mouvement, ce langage incertain qui parle furieusement, interroge. Que voir ?
Que comprendre de ces corps-ombres qui s’agitent ? Que faire de la caverne dans laquelle nous sommes enfermés ? Que faire de la (sur)réalité idéale dont parlent Platon et Socrate et que la chorégraphie nous fait deviner ? Transposée dans des corps qui bougent et deviennent leur propre ombre, tout à la fois œuvre et matière de l’œuvre, cette réflexion sur un accès brut à l’art, presque sans médiation, se transforme en expérience esthétique. Le public, plongé dans un bouillonnement qui oscille entre la forme et l’informe, entre le fixe et le passager, se frotte à cet essai d’œuvre proposée par la danse. Le public doit prendre avec une grammaire qui s’invente, une expérience qui se répète et se réagence, un jeu qui donne un corps à la pensée et un esprit à la chair qui erre.Foncièrement hanté dans l’idée d’incarnation, Étrange tableau envisage la possibilité de reconfigurer les catégories de pensée qui permettent d’appréhender le monde. Le geste apparaît comme la concrétion d’un sens qui ne peut être qu’émotionnel et sensuel. Le geste impose à la pensée un effort intellectuel autre, un effort qui doit prendre une forme nouvelle. À la recherche de l’intensité du geste premier, forcément créateur, Étrange tableau est une expérience de dialogue. Ombres dansantes contemplées par des corps statiques, êtres de stase admirés par le mouvement qui se fabrique, les aventures de la caverne sont aussi le lieu d’une rencontre. Une forme collective apparaît alors. Elle transforme la caverne en lieu de création.Danseurs et public sont ces prisonniers sublimes, créateurs d’une œuvre d’art qu’ils composent de concert, inventeurs de ce bien étrange tableau qui se dessine, chacun pour soi et dans l’espace de la communauté. Reliés dans le mouvement, ils façonnent la matière d’une invention, d’un nouveau monde possible tourné vers le souci de Beauté.



NOTE MUSICALE
“ Pour cette pièce, la création musicale est avant tout une histoire d’envie, une envie de composer à partir d’un corpus de Bach et une envie de collaborer avec TIN compositrice contemporaine.
A partir des thèmes de la sensualité, de sensorialité mais aussi de l’écho, un habillage musical sur mesure se joint au corpus de Bach (Nun Komm der Heiden Heiland Ensemble Contraste, Organ Sonata, Fantasia et Fugue) et de ceux de Marco Rosano et Juxta Crucem.”
PRODUCTION
Pour comprendre la grotte, il fut nécessaire de la voir. Pour comprendre les êtres qui y étaient enfermés, il a fallu les y jeter. Sorte de magma, sensible et physiologique, la caverne est un espace sensitif et cognitif. Elle est devenue un espace utopique : sans lieu définitif, possible partout.Pour permettre de vivre ce lieu, pour y pénétrer, un travail avec le scénographe Richard Lallier a permis de faire apparaître, dans chaque lieu où furent présentés la pièce, une caverne. Ouverture béante, elle happe la vision du spectateur et le corps des danseurs. Mais la caverne, comme les corps, ne sont pas que matière. Cette réalisation est apparue comme une évidence à Marie Perruchet lors de la résidence de la compagnie à la villa Noailles. Ce lieu, caverne par excellence, lieu de création, a nourri l’épure de l’œuvre. La résidence a donné lieu à une véritable recomposition de la pièce qui trouve maintenant sa forme et son propos dans la possibilité de s’adapter, dans la possibilité d’être présentée dans des espaces divers, ceux-là mêmes où la caverne tente de se faire oublier. Étrange Tableau peut être présenté sur scène, mais aussi dans des espaces extérieurs, dans des espaces privées, dans des lieux d’exposition.
Pièce pour 5 interprètes
Durée 1 H
Autrice et chorégraphe : Marie Perruchet
Assistant Chorégraphique : Xavier Perez
Dramaturgie : Gautier Amiel
Création lumière : Benjamin Forgues
Interprètes : Aurore Godfroy, Neda Hadji-Mirzaei, Xavier Perez, Vincent Breton, Guillaume Zimmermann.
Scénographie : Richard Laillier
Composition Musicale : TIN

Etrange tableau - Teaser
PANORAMA REPRESENTATION VILLA NOAILLES - MAI 2025






